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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 00:28

la-residencia.jpg

 

Les films qui se passent dans l'univers des pensionnats de jeunes filles, généralement, ce sont soit des films d'horreur, soit des films pornos. Et quand ce sont des films d'horreur, le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ne lésinent pas sur les implications sensuelles ou sexuelles de leurs propos. Tandis que les pornos, eux, se contentent de ces seules implications et ne cherchent guère à développer le caractère abominable que représente la vie commune de toute une horde d'adolescentes aux hormones détraquées et aux menstruations encore neuves. La vérité c'est qu'au sein d'une pareille ambiance, même le plus obsédé des pervers sexuels finirait par s'enfuir en courant au bout d'une semaine. Et je sais de quoi je parle, ce fut même la seule fois de ma vie où j'eus l'occasion de sauter par une fenêtre.

 

Bon, tâchons de rester sérieux, parce que ce film le mérite. Pour autant, avant de méchamment dériver, ce que j'écrivais dans le paragraphe précédent n'avait rien d'imbécile : oui, les films d'épouvante se déroulant dans ce genre d'univers typiquement féminin ne manquent jamais de développer une atmosphère profondément sexualisée, et La Residencia s'avère dans ce registre plus qu'exemplaire.

 

Sauf qu'on parle rarement d'une sexualité « saine », et en effet le film de Serrador nous offre un extraordinaire condensé de frustrations et de névroses qui font peser sur l'ensemble de son déroulement une lourde et sordide chape de plomb. Passe encore que les jeunes pensionnaires de cette école privée soit tellement en manque d'affection qu'elles s'offrent, chaque semaine et à tour de rôle, au pauvre pecno qui vient livrer du bois et qui en profite allègrement. C'est assez triste, mais on va dire que ça fait un heureux. En revanche, le personnage que campe superbement Lilli Palmer est, lui, particulièrement inquiétant : perdue entre sa religiosité de convention et ses penchants débridés, son saphisme non-assumée prend des proportions sadiques qui se révèlent contagieuses, quand son affection vis-à-vis de son fils s'avère quant à elle parfaitement incestueuse. Femme froide, pétrifiée, croyant régner sur des sujets qu'elle méprise autant qu'elle les aime honteusement, et possédée en réalité par toutes ses pensionnaires, elle est une magnifique incarnation de la cruauté et de l'hypocrisie des régimes totalitaires s'appuyant sur des considérations morales, que ceux-ci se développent à l'échelle d'une école comme d'une nation. Le cinéma espagnol, traumatisé par des années de franquisme, n'a de cesse d'aborder ce sujet et de le décliner sous de nombreuses formes différentes, à travers des films aussi différents que La Mauvaise éducation ou Le Labyrinthe de Pan...

 

Il faut d'ailleurs bien saisir que c'est là que se situe le propos essentiel de La Résidence. Dans cette tension, dans cet étouffement où chaque geste semble peser et coûter, que la réalisation relaye avec une effrayante exactitude et dont elle ne semble se libérer que dans ses scènes de meurtre, esthétiquement magnifiques car totalement dénuées de complaisance ou de « violence » au sens propre du terme. Ces scènes sont par ailleurs fort rares : les assassinats qui émaillent le récit apparaissant presque comme des prétextes à mener cette lente et tragique description de la vie d'une cruelle communauté et de sa pathétique dirigeante. Jusqu'à un dénouement final, astucieux quoique trop précipité, venant conclure et couvrir ce portrait d'une large et sinistre couche d'ironie macabre.

 

Mais ces éléments, qui font de La Résidence une oeuvre singulière, constituent aussi parfois sa faiblesse : Serrador semble avoir du mal à tenir son propos, l'action s'avère quelquefois confuse et certains choix narratifs n'apparaissent pas toujours des plus pertinents. En réalité, le film pêche surtout par un montage quelque peu aventureux qui ne facilite pas franchement la compréhension immédiate des tenants et des aboutissants de l'histoire qu'il est censé servir. Cela donne au film un petit cachet surréaliste, c'est toujours ça. Et puis soyons honnêtes : c'est un reproche que l'on pourrait adresser à un sacré paquet de films des années 60.

 

Bref, faut-il voir La Résidence ? La réponse est oui. Que l'on soit amoureux de films de genre ou, plus simplement, cinéphile frénétique, on ne peut pas vraiment passer à côté d'une oeuvre qui a, de toute évidence, apporté beaucoup et influencé encore plus. Serrador allait récidiver dans l'étrange et le sordide quelques années plus tard avec le très intéressant Quien puede matar a un niño ?, mais là c'est une autre histoire...

 

Et puis ne boudons pas notre plaisir : il faut voir La Résidence aussi et tout simplement parce que c'est un bon et un beau film, malgré son caractère écrasant, malgré sa cruauté sous-jacente qui parfois explose au visage du spectateur. C'est une oeuvre pleine d'émotions qui captive presque par surprise, sans prévenir, par la force de son propos et par son esthétique quasiment irréprochable. 

 

A noter que ce film est édité par René Chateau, qui prétend proposer l'oeuvre « entièrement remastérisée » alors qu'en réalité l'image et le son sont parfaitement dégueulasses, le tout sur un dvd qui ne propose qu'une piste française. Encore une fois, ça valait vraiment le coup d'en finir avec les VHS. Cette maison d'éditions est un repaire d'innommables branleurs, n'ayons pas peur des mots.


Sur ce je vous laisse, et si vous éprouvez cette nostalgie si « tendance » actuellement dans les braves milieux médiatiques ou cinématographiques français, demandez-vous si vraiment vous auriez aimé passé votre scolarité vêtus d'une blouse grise, dans des écoles et des lycées ressemblant à des prisons ou à des asiles d'aliénés...

 

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commentaires

L
Au passage, Sucker Punch n'a rien d'un film d'horreur/épouvante ni même thriller : c'est un prétexte quasi avoué de montrer des nenettes, en petites tenues,manier des armes de forme phallique dans<br /> des décors de jeux vidéos. LE film sensé emballer les geeks. Apparement ça n'a que moyennement marché.
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L
A côté du Labyrinthe de Pan (et peut être plus en rapport avec La Résidence), on peut citer L'échine du diable, du même Guillermo Del Toro, qui se déroule lui-aussi sous le franquisme dans un<br /> pensionnat catholique pour orphelins. Moins puissant que le Labyrinthe de Pan (qui est dans mon Top10) mais qui vaut largement le détour. Mais je suppose que tu l'as déjà vu...<br /> Sinon pour rester dans la thématique "enfermons des jeunes filles à la libido explosive", tu as vu Sucker Punch ?
Répondre
C
<br /> <br /> Non, ni l'Echine du diable en fait, je l'ai sur le feu mais je ne l'ai pas encore regardé... Sucker punch je ne connaissais pas, j'ai cru que tu voulais parler de Donkey punch, pas encore vu non<br /> plus d'ailleurs, mais dans lequel le caractère explosif de la libido semble littéral... Merci du conseil en tout cas, je note Sucker punch ! :)<br /> <br /> <br /> <br />