26 janvier 2010
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Tarantula, forcément, ça fait penser à Vampirella ou à Elvira, ou pourquoi pas à Barbarella, bref c'est le genre de noms fortement connoté érotiquement, peut-être à cause de son « a » final, je ne sais pas. Mais là, à moins vraiment d'avoir des goûts bizarres en matière de pilosités excessives et de membres surnuméraires, on peinera à trouver quoi que ce soit de sexy à la grosse tarentule qui constitue l'attraction principale du film.
L'argument de Tarantula peut se résumer en quelques mots : un nutritionniste a mis au point un aliment de synthèse en utilisant comme stabilisateur (si je ne me trompe pas) un isotope radioactif. Il crée ainsi des souris ou des cochons d'inde géants, ainsi qu'une tarentule qui, évidemment, prend la fuite et continue à grossir une fois en liberté jusqu'à atteindre des proportions parfaitement indécentes, semant la terreur, la mort et la destruction de lignes téléphoniques sur son chemin. Tout cela se passe dans le désert du Nevada, parce que c'est plus pittoresque.
Un an avant Tarantula, il y avait eu Them ! (en français : Des Montres attaquent la ville), qui s'intéressait à des fourmis mutantes. Les points communs entre le film de Jack Arnold et son « prédécesseur » réalisé par Gordon Douglas sont confondants, à un point tel que cela frôle le fichage de gueule. Etonnant par exemple d'entendre l'araignée géante émettre une sorte de stridulation ressemblant à s'y méprendre à celles des fourmis un an plus tôt. Et l'on se demande vraiment quelle réalité arachnologique peut mener cette brave bestiole à émettre le même son que ses congénères de science-fiction. Ajoutez à cela qu'au moment de dévorer ses proies, la bêbête à huit pattes pousse un rugissement comparable à celui d'un lion, et vous comprendrez que ce n'est pas sur le terrain de la zoologie que Tarantula tente de convaincre le spectateur.
On retrouve d'autres banalités inhérentes au genre de cette époque : le savant fou responsable de catastrophes sans précédent, après avoir manipulé des atomes qu'il n'était pas censé toucher, face à de braves citoyens (un gentil docteur, un flic bonhomme et sympathique, une agréable étudiante en biologie) qui doivent se démener ensuite pour réparer ses conneries. Méfiance classique face à la science et les scientifiques, marquée par la découverte des méfaits du nucléaire et le commencement de la guerre froide, qui pourrait être parfaitement légitime si elle ne se traduisait pas par l'expression d'un populisme aussi caricatural. Ainsi, pour mettre un terme aux dégats causés par l'araignée géante, on fait appel à l'armée qui sauvera avec talent la population en ayant recours à un bombardement « ciblé » de napalm...
Contrairement à la vision pessimiste sinon misanthrope d'un Kubrick dans 2001 ou d'un Romero dans Day of the dead, ici seuls les scientifiques sont les seuls grands idiots de l'histoire. Certes, ils croient oeuvrer pour le bien de l'humanité, mais ils outrepassent leurs droits et leurs devoirs et il faut ensuite s'en remettre aux splendides autorités compétentes pour que tout cesse d'aller de travers. Grotesque propagande qui semble oublier que si des savants plus ou moins fous ont inventé la bombe, c'est parce qu'on leur avait confié des crédits dans cette optique... Ici, le savant rappelle une figure détournée du docteur Frankenstein. Ainsi qu'il est dit dans le film : « la tarentule a son rôle à jouer ici-bas, comme n'importe quelle créature de Dieu. » Le message est clair : le scientifique a, lui, tenté de se substituer à Dieu, de le dépasser. Et la conséquence d'un pareil blasphème, c'est de la mort à tous les étages, et c'est bien fait pour ta face...
Bon, vous allez peut-être penser que je vois la mal partout, mais dans le fond ce discours perdure encore, précisément dans le remake qu'a réalisé Steve Miner de Day of the dead où l'on retrouve, trahison sans précédent de la pensée romerienne, ces personnages de scientifiques irresponsables face à des soldats sympathiques et pleins de bonne volonté... Avec une mentalité pareille, il ne faut pas s'étonner ensuite si des types comme Reagan, Bush ou Schwarzenegger arrivent à obtenir les faveurs des électeurs. Bon, cela dit, nanti d'un Sarkozy comme président de la République, je suis mal placé pour donner des leçons...
Pour ce qui est du champ purement cinématographique, on trouvera dans Tarantula tout ce qui fait le charme relatif des productions américaines de cette époque : un jeu incroyablement daté et poseur, des dialogues sans grande consistance, un scénario basique, et l'habituel alibi didactique sans aucun intérêt. Est-il vraiment besoin de nous projeter un petit film (tout comme dans Them !, encore une fois...) pour nous montrer combien la tarentule est une araignée redoutable ? De toute manière, celle dont on nous parle est aussi grosse qu'une baleine blanche, alors bon, à une échelle pareille, même un lombric aurait de quoi nous flanquer les chocottes...
Il faut toutefois concéder à Tarantula une certaine réussite en ce qui concerne les effets spéciaux et les maquillages. Certes, la tarentule géante n'est pas toujours des plus crédibles, mais un grand nombre de séquences force l'admiration. On pense aux animaux géants du scientifique, comme son cochon d'inde surdimensionné tout à fait bluffant, ou encore à ces visages rongés par une acromégalie galopante qui sont loin d'être ridicules. Bref, c'est une maigre consolation, et ce n'est pas cela qui aurait fait s'esbaudir Méliès, mais il convient tout de même de le signaler. Parce qu'en dehors de ce point-là, il ne faut pas compter sur la musique (boum boum taaa taaa) ou sur la réalisation pour rehausser le niveau de l'ensemble. Seul plan intéressant : la caméra qui subit un petit tremblement tandis que des rochers s'effondrent devant elle. Mais je ne suis pas certain que cela ait été fait exprès...
Bref, voilà, Tarantula reste à voir pour les amateurs du cinéma fantastique américain des années 50, ou pour ceux qui s'intéressent à la sociologie idéologique de cette époque vue à travers le prisme de la création artistique, ou pour ceux, enfin, qui aiment le kitsch et ont envie de rigoler un peu devant un nanar des familles, mais ceux qui cherchent un bon film de science-fiction de ces années-là auront tout intérêt à se tourner vers, par exemple, La Chose d'un autre monde de Howard Hawks, dont je ne suis pas spécialement fanatique, mais qui vaut tout de même largement plus le détour...
Ou alors, si vous voulez vraiment un film avec des machins géants, dans ce cas tournez-vous directement vers le Them ! précédemment cité. Il est beaucoup plus rigolo à regarder, et il faut toujours privilégier l'original à la copie...
Sur ce je vous laisse, et si vous vous demandez comment une araignée géante peut passer au travers d'une explosion de plusieurs caisses de dynamite sans même sursauter ou ressentir un timide chatouillis, sachez que je me pose exactement la même question.
L'argument de Tarantula peut se résumer en quelques mots : un nutritionniste a mis au point un aliment de synthèse en utilisant comme stabilisateur (si je ne me trompe pas) un isotope radioactif. Il crée ainsi des souris ou des cochons d'inde géants, ainsi qu'une tarentule qui, évidemment, prend la fuite et continue à grossir une fois en liberté jusqu'à atteindre des proportions parfaitement indécentes, semant la terreur, la mort et la destruction de lignes téléphoniques sur son chemin. Tout cela se passe dans le désert du Nevada, parce que c'est plus pittoresque.
Un an avant Tarantula, il y avait eu Them ! (en français : Des Montres attaquent la ville), qui s'intéressait à des fourmis mutantes. Les points communs entre le film de Jack Arnold et son « prédécesseur » réalisé par Gordon Douglas sont confondants, à un point tel que cela frôle le fichage de gueule. Etonnant par exemple d'entendre l'araignée géante émettre une sorte de stridulation ressemblant à s'y méprendre à celles des fourmis un an plus tôt. Et l'on se demande vraiment quelle réalité arachnologique peut mener cette brave bestiole à émettre le même son que ses congénères de science-fiction. Ajoutez à cela qu'au moment de dévorer ses proies, la bêbête à huit pattes pousse un rugissement comparable à celui d'un lion, et vous comprendrez que ce n'est pas sur le terrain de la zoologie que Tarantula tente de convaincre le spectateur.
On retrouve d'autres banalités inhérentes au genre de cette époque : le savant fou responsable de catastrophes sans précédent, après avoir manipulé des atomes qu'il n'était pas censé toucher, face à de braves citoyens (un gentil docteur, un flic bonhomme et sympathique, une agréable étudiante en biologie) qui doivent se démener ensuite pour réparer ses conneries. Méfiance classique face à la science et les scientifiques, marquée par la découverte des méfaits du nucléaire et le commencement de la guerre froide, qui pourrait être parfaitement légitime si elle ne se traduisait pas par l'expression d'un populisme aussi caricatural. Ainsi, pour mettre un terme aux dégats causés par l'araignée géante, on fait appel à l'armée qui sauvera avec talent la population en ayant recours à un bombardement « ciblé » de napalm...
Contrairement à la vision pessimiste sinon misanthrope d'un Kubrick dans 2001 ou d'un Romero dans Day of the dead, ici seuls les scientifiques sont les seuls grands idiots de l'histoire. Certes, ils croient oeuvrer pour le bien de l'humanité, mais ils outrepassent leurs droits et leurs devoirs et il faut ensuite s'en remettre aux splendides autorités compétentes pour que tout cesse d'aller de travers. Grotesque propagande qui semble oublier que si des savants plus ou moins fous ont inventé la bombe, c'est parce qu'on leur avait confié des crédits dans cette optique... Ici, le savant rappelle une figure détournée du docteur Frankenstein. Ainsi qu'il est dit dans le film : « la tarentule a son rôle à jouer ici-bas, comme n'importe quelle créature de Dieu. » Le message est clair : le scientifique a, lui, tenté de se substituer à Dieu, de le dépasser. Et la conséquence d'un pareil blasphème, c'est de la mort à tous les étages, et c'est bien fait pour ta face...
Bon, vous allez peut-être penser que je vois la mal partout, mais dans le fond ce discours perdure encore, précisément dans le remake qu'a réalisé Steve Miner de Day of the dead où l'on retrouve, trahison sans précédent de la pensée romerienne, ces personnages de scientifiques irresponsables face à des soldats sympathiques et pleins de bonne volonté... Avec une mentalité pareille, il ne faut pas s'étonner ensuite si des types comme Reagan, Bush ou Schwarzenegger arrivent à obtenir les faveurs des électeurs. Bon, cela dit, nanti d'un Sarkozy comme président de la République, je suis mal placé pour donner des leçons...
Pour ce qui est du champ purement cinématographique, on trouvera dans Tarantula tout ce qui fait le charme relatif des productions américaines de cette époque : un jeu incroyablement daté et poseur, des dialogues sans grande consistance, un scénario basique, et l'habituel alibi didactique sans aucun intérêt. Est-il vraiment besoin de nous projeter un petit film (tout comme dans Them !, encore une fois...) pour nous montrer combien la tarentule est une araignée redoutable ? De toute manière, celle dont on nous parle est aussi grosse qu'une baleine blanche, alors bon, à une échelle pareille, même un lombric aurait de quoi nous flanquer les chocottes...
Il faut toutefois concéder à Tarantula une certaine réussite en ce qui concerne les effets spéciaux et les maquillages. Certes, la tarentule géante n'est pas toujours des plus crédibles, mais un grand nombre de séquences force l'admiration. On pense aux animaux géants du scientifique, comme son cochon d'inde surdimensionné tout à fait bluffant, ou encore à ces visages rongés par une acromégalie galopante qui sont loin d'être ridicules. Bref, c'est une maigre consolation, et ce n'est pas cela qui aurait fait s'esbaudir Méliès, mais il convient tout de même de le signaler. Parce qu'en dehors de ce point-là, il ne faut pas compter sur la musique (boum boum taaa taaa) ou sur la réalisation pour rehausser le niveau de l'ensemble. Seul plan intéressant : la caméra qui subit un petit tremblement tandis que des rochers s'effondrent devant elle. Mais je ne suis pas certain que cela ait été fait exprès...
Bref, voilà, Tarantula reste à voir pour les amateurs du cinéma fantastique américain des années 50, ou pour ceux qui s'intéressent à la sociologie idéologique de cette époque vue à travers le prisme de la création artistique, ou pour ceux, enfin, qui aiment le kitsch et ont envie de rigoler un peu devant un nanar des familles, mais ceux qui cherchent un bon film de science-fiction de ces années-là auront tout intérêt à se tourner vers, par exemple, La Chose d'un autre monde de Howard Hawks, dont je ne suis pas spécialement fanatique, mais qui vaut tout de même largement plus le détour...
Ou alors, si vous voulez vraiment un film avec des machins géants, dans ce cas tournez-vous directement vers le Them ! précédemment cité. Il est beaucoup plus rigolo à regarder, et il faut toujours privilégier l'original à la copie...
Sur ce je vous laisse, et si vous vous demandez comment une araignée géante peut passer au travers d'une explosion de plusieurs caisses de dynamite sans même sursauter ou ressentir un timide chatouillis, sachez que je me pose exactement la même question.