Autant vous le dire tout de suite : cet article est une fumisterie. Comme je n'ai pas regardé de films d'horreur ces derniers jours, et comme je n'aime pas vraiment rédiger un texte en me basant uniquement sur mes souvenirs, je me suis dit que j'allais parler d'un acteur. Histoire de ne pas délaisser trop longtemps mon blog alors qu'il vient à peine de voir le jour. Et puis après tout je suis un amoureux de Bruce Campbell, je compte parmi cette foule de fanatiques irrationnels du King, alors pourquoi pas ?
Si je dis « irrationnel », c'est parce que Bruce Campbell suscite une fascination chez bon nombre d'amateurs du genre sans que rien au sein de sa carrière ne puisse réellement le justifier. Lui-même en a d'ailleurs parfaitement conscience, et le démontre avec beaucoup d'humour et d'autodérision dans son dernier film, My name is Bruce, dans lequel il se représente comme une sorte de demi-loser enfermé dans des rôles de série Z et poursuivi par des fans en furie qu'il traite avec un mépris et une arrogance digne des pires grandes stars d'Hollywood. Certes il se moque de lui-même, mais il se moque aussi de ses admirateurs, et pourtant My name is Bruce leur est entièrement dédié. Une forte démonstration de la complicité qui réside entre l'acteur et ses afficionados, rare dans le petit monde du cinéma conventionnel, même d'épouvante. On retrouve plus aisément ce genre de relation privilégiée (sans mauvais jeu de mots) dans l'univers du cinéma pornographique...
Mais ne perdons pas de vue que, si Bruce Campbell est un acteur culte, c'est parce qu'il est associé directement à deux films cultes : Evil Dead et Evil Dead 2. Ces deux réalisations de Sam Raimi sont tellement novatrices dans leur ton comme dans leur forme, mélangeant l'horreur pure à la Lovecraft à des effets humoristiques totalement burlesques, jouant sur l'exagération, et même l'hystérie, dans une vaste orgie de zombies difformes et d'hémoglobine multicolore tapageuse, qu'elles ne pouvaient que susciter un engouement remarquable. Et la manière dont le personnage de Ash, interprété donc par Bruce Campbell, en prend résolument plein la tronche du début jusqu'à la fin de ces deux films, avait tout pour créer autour de lui un élan de sympathie sincère, mais sadique.
Le fan de Bruce Campbell aime le voir se faire ravager au-delà du raisonnable. Avec Sam Raimi, il est rarement déçu. Les trois Evil Dead proposent déjà une collection de coups, de cabrioles et de ramasse-tes-dents exceptionnelle. Ajouter à cela sa façon de se faire plier en deux dans Mort sur le grill, et vous avez une idée assez précise de la manière dont Raimi considère son ami en tant qu'acteur : une poupée que l'on tord, que l'on découpe, que l'on explose, que l'on noie, que l'on torture. A l'image de l'enfant pervers de Toy Story, se livrant à des greffes ou des expériences spationautiques douteuses sur la personne de pauvres jouets innocents. Raimi ne s'en est d'ailleurs jamais caché, et l'amitité qui lie les deux hommes lui permet d'autant plus de l'exprimer avec une franchise exceptionnelle.
Leur carrière ont, malgré l'amitié, suivi des chemins sensiblement différents. Sam Raimi, ainsi que tout le monde le sait, est devenu le réalisateur attitré des blockbusters que sont les Spiderman. Bruce Campbell, pour sa part, est majoritairement dévolu aux premiers rôles dans des séries B ou Z, ou aux rôles secondaires (sinon anecdotiques) dans des films de plus grande exploitation. Si l'épouvante demeure son domaine de prédilection, il commet également des incartades dans d'autres genres, au hasard des contrats. On le voit ainsi dans le très mauvais Congo de Frank Marshall, ou dans la petite comédie de samedi soir qu'est Au service de Sarah, avec Matthew Perry en vedette. Il est également un habitué de téléfilms sans grand intérêt, comme Dangers publics (qui se veut une réadaptation du mythe de Bonnie and Clyde) ou le tristoune Project Tornado, une réalisation dont il dit avec dérision sur son site : « on a fait mieux que Twister en deux jours. » Etant donné la qualité de Twister, s'ils n'ont pas forcément fait mieux, il faut bien reconnaître qu'ils n'ont pas fait pire...
Bruce Campbell est étrangement sous-employé. Son image d'acteur de série Z ou d'éternel quatrième-rôle lui colle à la peau auprès des producteurs. Raimi n'avait déjà pas pu obtenir qu'il tienne le rôle-titre dans son Darkman. Et, pressenti pour interpréter le rôle de John Doggett dans la série X-Files, on lui préfèrera Robert Patrick. Dans les deux cas, on craignait qu'il ne soit pas capable de tenir la distance. J'ignore sur quoi se basent les producteurs pour émettre ce genre de jugement...
Parmi ses moments de gloire, outre les Evil Dead, on doit donc se rabattre sur sa participation dans le rôle d'un chirurgien esthétique déjanté au sein de Los Angeles 2013, ou sur les petits (minuscules, même) rôle de figuration qu'il interprète dans les trois Spiderman réalisés par Raimi. C'est triste à dire, mais c'est bel et bien cela que les promoteurs mettent en avant quand il s'agit de parler de Campbell : « l'homme qui figure dans Spiderman ». La logique grossière et grotesque du tout-au-dollar d'Hollywood n'est jamais aussi criante que dans ce genre de constats.
Peut-être est-ce pour cela qu'il s'est laissé tenter par la réalisation. J'aurais certainement l'occasion de reparler de My name is Bruce sur ce blog, donc je ne m'étendrai pas. Quant à son Man with the screaming brain, il faut bien admettre qu'il ne m'a pas laissé un souvenir mémorable. Comédie d'épouvante au titre qui rappelle certains classiques du cinéma de genre mexicain de la grande époque, le film manque cruellement de souffle et ne fait sourire que par indulgence. My name is Bruce, quoi qu'on en dise, est heureusement bien plus réussi. Espérons que le film sortira en dvd en France avant la fin du monde...
Sympathique, accessible, drôle, ouvert et souriant, Bruce Campbell compte parmi les personnalités les plus attachantes du cinéma d'horreur. Mais ne perdons jamais de vue, surtout, que c'est un bon acteur. Même dans des réalisations déplorables comme Alien apocalypse, il maintient un niveau de jeu de grande qualité et rend presque le film regardable. C'est encore plus criant pour un téléfilm comme Terminal invasion, une oeuvre finalement assez prenante et agréable, qu'il porte sur ses épaules du début jusqu'à la fin.
Pour ses projets à venir, on annonce sa participation à un hypothétique Evil dead 4, sur lequel les informations sont sensiblement pauvres. Il sera également le producteur du remake d'Evil dead, annoncé pour 2010... Bref, Campbell revient aux sources. C'est peut-être une bonne nouvelle, peut-être pas. L'avenir nous le dira. L'avenir est un monstrueux cafteur qui finit toujours par tout nous dire. Mais de toute manière, Bruce Campbell n'a que 51 ans, alors gageons qu'il lui reste encore de belles années devant lui et, sait-on jamais, une belle carrière en perspective. L'homme peut au moins jouer de son image (ainsi qu'il le fait dans son ouvrage Make love ! the Bruce Campbell way) et compter sur ses fans.
Sur ce je vous dit à bientôt, et méfiez-vous si votre lampe de chevet se gondole de rire en vous regardant.
Heil to the King !