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5 août 2010 4 05 /08 /août /2010 04:06

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Une jeune fille nommée Dorothy Mills est accusée d'avoir agressé le bébé dont elle était la baby-sitter, un cas de violence qui attire l'attention de la psychiatre Jane Van Dopp, laquelle se rend sur la petite île où se sont déroulés les faits afin de statuer sur le degré de culpabilité de la demoiselle au biberon ravageur. Se retrouvant au milieu d'une communauté hostile et face à une patiente présentant des troubles de la personnalité plus que problématiques, son travail va s'avérer particulièrement compliqué...

 

Avant de mettre Dorothy dans mon lecteur dvd, je n'avais aucune information sur le film. Je n'avais même pas lu le petit texte de présentation au dos de la jaquette, et dans ma tête, sur la foi de l'affiche du film, je tablais sur une histoire d'enfant tueur, dans la lignée peut-être de La Mauvaise graine. Cela aurait été très intéressant d'ailleurs, dans la mesure où c'est un thème rarement exploité au sein du cinéma. Des hordes d'enfants se vautrant dans une débauche d'assassinats, c'est encore relativement fréquent, que cela soit avec ¿ Quién puede matar a un niño ? ou Children of the corn, mais un enfant isolé, commettant des actes monstrueux de sa propre initiative, là c'est un tabou que les scénaristes ont du mal à transgresser.

 

Bon, cela dit cette digression est parfaitement inutile puisque de toute manière Dorothy n'est PAS une histoire d'enfant tueur. Observant les multiples changements de comportement de ce personnage, je me suis dit qu'en fait ce film nous racontait l'histoire d'une bonne gros schizophrénie des familles, évidemment interprétée comme diabolique au sein d'une communauté de petites gens repliées sur elles-mêmes et fanatisées religieusement. Ce qui n'a pas été sans me rappeler ce compte-rendu d'exorcisme pratiqué au dix-septième siècle et intitulé Les conjurations faites à un demon possedant le corps d'une grande dame : ensemble les estranges responses par luy faites aux saincts exorcismes, texte que l'on trouve aisément sur Gallica et qui nous permet d'assister au spectacle édifiant de bonnes âmes s'acharnant à libérer de l'emprise du démon une personne souffrant visiblement de crises d'épilepsie...

 

Cela dit, cette digression est une nouvelle fois parfaitement inutile puisque de toute manière Dorothy n'est PAS une histoire de maladie mentale, du moins pas au sens strict du terme. Mais alors, nom de Dieu de bordel de merde, de quoi Dorothy est-elle l'histoire ? Hé bien figurez-vous que je n'ai pas envie de vous le dire. Pour une fois, je ne vois pas l'intérêt de gâcher le plaisir de ceux qui n'ont pas encore vu le film et pourraient, on ne sait jamais, tomber sur cet article. Je me contenterais de dire que nous sommes en présence d'un scénario qui mêle passé et présent, secrets et mensonges, silences et frustrations avec un brio déroutant.

 

Dorothy est une réalisation franco-irlandaise, et si je dis franco-irlandaise ce n'est pas pour me la jouer chauvin en plaçant la France en avant, c'est juste que je ne sais pas si irlando-français ça se dit et je n'ai pas envie de passer pour un con. En tout cas, le film a été réalisé par une française, Agnès Merlet, et il convient de dire qu'elle y fait preuve de beaucoup de talent. Esthétiquement irréprochable, nantie d'un montage remarquable, la réalisation sert à merveille ce scénario où tant de choses se mélangent et tourbillonnent qu'il en résulte une ambiance onirique, hors du temps et de la vie, à l'image naturellement de cette petite île irlandaise et de la mentalité de ses habitants.

 

Ce serait presque mon seul gros bémol concernant Dorothy : ce portrait d'une communauté si repliée sur elle-même, si aveugle face à sa propre cruauté, si hypocrite dans son mode de fonctionnement, est peut-être quelque peu caricatural. Disons que dans le genre ploucs, tous ces bonshommes se posent un peu là ! Mais pour autant, on n'est pas en présence d'un cliché mal mis en scène pour servir un quelconque et médiocre slasher, donc je ne m'étendrai pas plus sur cette petite réserve. Elle s'oublie vite une fois que l'on est pris dans l'intrigue et que cette exagération présumée prend finalement tout son sens.

 

Et puisque je viens de poser un bémol, je m'empresse alors de poser un dièse : en plus de ses qualités esthétiques et scénaristiques, Dorothy peut se vanter de mettre en scène d'excellents acteurs, en particulier Jenn Murray qui, dans le rôle-titre, est bluffante du début à la fin. Leur ton est juste, leur direction impeccable, sans cabotinages ni égarements. Un vrai régal.

 

Bref, vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce film. Bien sûr, je ne savais pas à quoi m'attendre donc l'effet de surprise, quand elle est bonne, y est certainement pour beaucoup. Si l'on m'avait vanté ce film comme je viens de le faire dans cet article, j'aurais certainement été un peu déçu en le voyant. C'est le drame, toujours le même, mais j'assume et vous le recommande. On a rarement l'occasion de voir des films d'épouvante aussi bien construits et aussi bien gérés, et de ce point de vue Dorothy frôle le chef-d'oeuvre et s'inscrit dans la lignée plus qu'enviable du génial Les Autres d'Amenabar.

 

Sur ce je vous laisse, et si vous vous demandez pourquoi un grand-mère aveugle semble mieux jouer de la guitare électrique que votre connard d'adolescent de voisin du dessus, c'est que vous êtes rétrograde et ne comprenez rien à la poésie sous-jacente qui anime les coeurs encore neufs de tous ces petits crétins qui dansent sur Kyo, Superbus ou Dionysos en appelant ça du rock.

 

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