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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 02:04

monkey_shines.jpg

 

 

Allan Mann, comme son nom l'indique, est un homme accompli. L'homme dans toute sa splendeur et sa virilité, l'Homme avec un grand H comme la bombe. Il a un corps d'athlète et fait du jogging avec des briques dans son sac à dos, un truc de ouf quoi. Moi je grimpe dix marches d'un escalier et j'ai besoin d'une assistance respiratoire, et lui pendant ce temps il se pavane avec ses gros muscles partout et sa nana canon, la vie est injuste. Enfin, pas si injuste que cela puisque finalement un camion plus costaud que lui le colle à l'hôpital, d'où il ressort en fauteuil roulant, intégralement paralysé sauf de la tête qu'il avait dure. Afin de l'assister au quotidien, un de ses amis lui offre un singe spécialement dressé pour aider les handicapés, mais le singe a subi un traitement quelque peu spécial et développe une intelligence hors du commun pour une bestiole avec autant de poils. Disons le mot : une intelligence quasi-humaine. Ce qui, naturellement, va le rendre profondément vicelard, car comme dit le proverbe : « donnez un cerveau à un singe, et il vous assurera qu'il est le maître de l'univers ! »

 

Monkey Shines, curieusement rebaptisé Incidents de parcours pour la France, compte parmi ces quelques films que Romero parvint à réaliser durant sa traversée du désert. Autant le dire tout de suite, ce n'est certainement pas son meilleur, et l'on a finalement du mal à voir la patte du prophète des zombies dans cette réalisation somme toute assez convenue. Quand je dis qu'on a du mal, cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas : l'utilisation de la bande-son par exemple, avec ses écoulements de clichés violoneux volontairement castrés dés que l'action vient les contredire, porte en elle une ironie typiquement romerienne. Ou citons encore, deuxième exemple, le personnage de la mère qui apparaît dans ce film, névrosée typique trop heureuse de pouvoir materner comme un bébé son fils collé dans un fauteuil roulant, mais se plaignant et jouant les trémolos du sacrifice dés que l'on fait mine de la contrarier. C'est tout à fait le genre de personnages que Romero affectionne particulièrement.

 

Un troisième exemple ? Euh... En fait je n'en ai que deux à vous proposer, parce que pour le reste on est face à quelque chose d'assez classique. Dans la forme, même si la réalisation est d'excellente facture, nerveuse et parfaitement équilibrée, il n'y a pas de quoi non plus se lever sur sa chaise et danser une polka d'excitation. Dans le fond, on se demande un peu ce que c'est que ces histoires de mixture à base de cerveau humain qu'on injecte dans des fesses de singe pour les rendre plus intelligents, et d'où provient exactement l'étrange lien télépathique qui se met à unir le primate et son maître. On ne compte plus le nombre de réalisations qui se fourvoient dans des scénarios capillotractés pareils, et il faut bien reconnaître que Monkey Shines en fait partie.

 

Bien entendu, il n'est pas question de demander à un film fantastique de faire preuve de réalisme, mais il est toujours dommage de voir des histoires partir dans des directions pas possibles sans que rien ne vienne vraiment le justifier, si ce n'est précisément le fait que l'on est dans un film fantastique. Bref, c'est un peu le serpent qui se mord la queue, alors que moi je n'y suis jamais arrivé, et Romero habituellement ne tombe pas dans ce genre de pièges...

 

La morale du film, si tant est que l'on puisse vraiment parler de morale, repose dans l'idée que la violence, la colère, l'envie de meurtre ou sa concrétisation, bref ce qui est défini à un moment dans le film comme le « péché » réside dans l'instinct. Dans le lien qui se crée entre l'homme et le singe se mélangent ainsi l'animalité et l'humanité, donnant naissance à deux mentalités hybrides et déroutées. Chez l'homme, c'est la part sombre qui ressort, celle dont Romero allait parler plus tard, et avec plus de talent, en adaptant The Dark half de Stephen King. Chez le capucin, et là c'est déjà plus intéressant, se développe un comportement où l'intelligence hypertrophiée sert autant des instincts animaux que des sentiments humains mal définis, mal complétés, qui font de ce petit monstre simiesque un redoutable adversaire aussi imprévisible que tenace.

 

Il y a quelque chose de déchirant dans l'ultime combat qui opposera Allan Mann (et décidément ce patronyme n'a pas été choisi par hasard) et Boo, son petit singe de compagnie. Cet animal doté d'une conscience qui le dépasse est tout autant cruel que pathétique, paradoxe contre-nature empli de haine mais également d'un désir fou d'amour et d'affection, sinon d'une nostalgie du temps où il n'était qu'un  capucin parmi d'autres. Ça me déstabilise toujours ce genre de trucs, un peu comme l'enfant tueur de Simetierre ou la créature mi-homme mi-monstre du Alien de Jeunet. Le film aurait d'ailleurs peut-être été avisé de plus traiter cet aspect-là, mais bon, en même temps je dis ça je dis rien...

 

Bref, Incidents de parcours vaut le détour pour peu que l'on ait rien de mieux sous la main, mais ce n'est certainement pas le Romero sur lequel se jeter si l'on veut se faire une idée du génie de ce réalisateur, ni le film à voir en priorité. Ce n'est pas mauvais non plus : c'est juste un film qui a du mal à s'extirper de son carcan pesant de banalité, voire de conformisme.

 

Sur ce je vous laisse, et si vous considérez que ce n'est pas à un vieux singe que l'on apprend à faire des grimaces, allez tout de même faire un tour à la Comédie Française et vous y constaterez que certains de ses vétérans ont encore bien du mal à se montrer crédibles lorsqu'ils jouent du Molière !

 

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