Katie et Micah ont emménagé ensemble depuis peu de temps, elle est étudiante en anglais et veut devenir professeur, lui est trader free-lance et gagne très bien sa vie, ils sont fiancés, ils sont amoureux, et tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si Katie n'était pas, depuis l'âge de huit ans, victime des agissements d'un esprit qui lui pourrit le sommeil et la vie. Un petit détail de son existence dont elle n'avait pas jugé nécessaire d'avertir son petit ami avant qu'ils ne commencent à habiter ensemble. Comme Micah est un garçon pragmatique, il se dit qu'il serait idiot de laisser tomber sur le champ sa fiancée, d'abord parce qu'il l'aime même si elle est hantée, et ensuite parce qu'elle a des gros seins. Donc il achète une caméra dans l'espoir de filmer, et ainsi de comprendre, ces étranges phénomènes paranormaux qui la tourmentent. Il ne va pas être déçu.
Réalisé en dix jours pour un budget de quinze mille dollars, Paranormal activity nous démontre qu'il est encore possible de faire quelque chose de beau, et de spectaculairement rentable, avec quelques bouts de ficelle et beaucoup d'ingéniosité. Ceux qui vomissent par principe sur les films d'horreur ne devraient pas perdre cela de vue : depuis que l'industrie pornographique s'est entièrement vouée à la gloire du dieu Gonzo-Dollar, il ne reste plus que le genre de l'épouvante pour permettre à des réalisateurs ingénieux de produire des films inventifs et démerdards sans passer par la logique des gros studios, hollywoodiens ou autres. Il n'est pas qu'une machine à fabriquer des remakes, des suites ou des clones. Il n'est pas qu'une industrie produisant des torture-porn à la pelle pour flatter les bas-instincts voyeurs ou sadiques de ses spectateurs. Il est aussi un véritable laboratoire cinématographique, l'occasion pour des talents iconoclates de s'exprimer ainsi qu'ils le désirent, à l'image en somme des genres de la science-fiction ou du polar en littérature.
Le principe de Paranormal activity est similaire à celui de Blairwitch Project : la caméra embarquée. Une méthode narrative particulièrement à la mode en ce moment, depuis que le plus-que-magnifique REC en a de nouveau démontré la puissance de feu. Mais Paranormal activity se distingue par son extrème dépouillement en la matière. Deux acteurs principaux, deux personnages secondaires et parfaitement anecdotiques, et une maison comme seul décor. Une maison dans laquelle, à mesure que le temps passe, le cauchemar monte en intensité jusqu'à atteindre des sommets difficilement soutenables...
Je pense que vous l'avez compris : j'ai adoré Paranormal activity. Bien sûr, le film n'est pas sans souffrir de quelques défauts, le plus important d'entre-eux étant que les comédiens qui campent les rôles de Katie et de Micah ne sont pas toujours très crédibles dans leur jeu. Dans un registre narratif pareil, évidemment, c'est préjudiciable. Ce qui avait fait la force et le succès de Blairwitch, c'était l'incroyable naturel de ses acteurs. Ici, ce n'est pas forcément le cas. On ne peut pas dire qu'ils soient mauvais : c'est juste qu'ils « jouent ». Filmés d'une manière traditionnelle, cela ne poserait aucun problème mais là, et surtout au début du film, on a un peu de mal à rentrer dedans...
Pour autant, je m'empresse de dire que très vite j'ai oublié cette petite contradiction entre le jeu « traditionnel » des acteurs du film et son parti-pris narratif. Le réalisme des situations exposées est largement assez convaincant pour gommer ce léger paradoxe. Les dialogues entre les deux personnages sonnent très vrais, et la façon dont augmente la tension entre-eux à mesure que le stress et l'angoisse prennent le pas sur le lien privilégié qui les unit est confondante, apparaissant vite comme une intrigue secondaire en soi.
Et bien sûr, et surtout, les manifestations de plus en plus violentes de l'esprit qui occupe les pensées du jeune couple créent un sentiment d'angoisse allant crescendo. On redoute chaque nouvelle apparition tout en l'attendant avec curiosité. Et tout en espérant qu'enfin un moyen de s'en débarrasser apparaisse et sauve les deux tourtereaux du destin tragique qui leur pend au nez.
Paranormal activity ne montre rien ou presque, et suggère énormément. En cela, il est bien plus proche de La Maison du diable (The Haunting, l'un des grands chefs-d'oeuvre de Robert Wise) que de Blairwitch, qui pourtant dans son genre n'était pas des plus ostentatoires. Une méthode imparable lorsque l'on veut créer une vraie tension chez le spectateur, et pas seulement quelques sursauts de bon aloi.
Quand des gens me disent : « à quoi bon regarder des films d'horreur ? Pourquoi regarder des films pour se faire peur ? », je réponds invariablement que je n'ai jamais eu peur devant un film d'horreur. Et c'est la vérité. Croyez-moi si je vous dis que je suis un garçon terriblement peureux, du genre à changer de trottoir plutôt que de croiser un type qui, pour une raison futile, ne m'inspire pas confiance. Mais non, les films d'horreur ne m'ont jamais fait peur. A l'exception de Paranormal activity. Je vous l'avoue et vous le confesse : j'ai flippé devant ce film comme cela m'est rarement arrivé. Au point que j'ai préféré laisser une petite lampe allumée plutôt que de le regarder dans le noir absolu... Alors je ne parle pas de terreur, je ne parle pas d'effroi, je parle juste d'une réelle et tangible petite angoisse qui s'insinue en vous et met du temps à se dissiper ensuite. Et je crois que je n'avais pas ressenti cela depuis ma première lecture du Horla de Maupassant, lorsque j'avais douze ans et que j'avais lu ce texte en le prenant au premier degré, l'abordant comme une « simple » histoire de fantôme. Autant vous dire que je suis donc assez admiratif vis-à-vis du travail d'Oren Peli sur ce film !
En allant puiser dans les terreurs nocturnes ou enfantines, en jouant sur le registre de l'étrange, du détail anormal et irrationnel qui enfle jusqu'à tout envahir et dévorer autour de lui, Paranormal activity s'impose comme un modèle du genre. Une claque, une bombe, mais surtout une véritable leçon. Beaucoup ne l'ont pas aimé. Pour ma part, j'adhère et j'assume sans le moindre complexe.
Sur ce je vous laisse, et si vous subissez les assauts répétés d'un démon, la dernière chose à faire est de croire que votre copain trader va résoudre la situation. Il n'y aucune raison pour que des types qui ont réussi à flanquer par terre l'économie mondiale puissent mieux s'y prendre en ce qui concerne les sciences démonologiques.